Avant qu’il ne parvienne à s’échapper, nous avions parlé de la possibilité de le faire, nous avions parlé du symbolisme de ce geste, nous avions parlé des histoires de ceux qui s’étaient échappés, nous avions fait des plans, et nous avions mentionné toutes ces façons de le faire, comme les drogues, le sommeil, la lecture, le sport. Nous avons parlé des dangers de le faire, nous avons aussi parlé de la puissance du geste. Nous avons parlé du fait que ce pied qui tourne, qui monte, qui descend, qui tambourine, qui se balance et qui sautille involontairement même quand on est assis sur sa chaise et qui bouge de manière autonome, animé par l’anxiété ou le simple désir et besoin de bouger le corps comme des réflexes involontaires, était une manière de s’échapper, de relâcher la tension, de se libérer. De même si le pied est attaché, de même si le pied a ces bracelets reliés au poste de police. De même si le pied peut danser.
Après qu’il se soit échappé, avec les autres, nous avons trouvé ses empreintes de pas, le bracelet et la manille en morceaux. Nous avons retrouvé toutes ses affaires comme s’il n’était jamais parti ou peut-être comme s’il n’était jamais venu. Cependant, ses empreintes de pas étaient larges et lourdes. Il n’était pas discret, et a même incité d’autres personnes à le suivre.
Son empreinte était une ligne épaisse et irrégulière en courbes continues qui se croisent de manière aléatoire. Qui l’ont suivi. Il a pris cette ligne et a mis une bouche dessus. Un autre lui a donné un mot. Un quatrième a passé et a complété une face. Et ainsi de suite. Amis, ou ennemis. Ils se sont retrouvés à tatouer leurs empreintes. Ils le faisaient sur des papiers, sur des pierres, sur des tuyaux, sur la table, sur le banc. Sur les pieds des autres.
Nous avons sauvé certaines de ces empreintes, qui n’étaient pas seulement des pieds, mais aussi des mains, des bras, des cheveux, des oreilles et des yeux…